Climat, cyber, pandémie : vers une prise de conscience des risques systémiques, un avis du CESE



La troisième Chambre a adopté le 13 avril dernier un avis portant sur « Climat, cyber, pandémie : le modèle assurantiel français mis au défi des risques systémiques ». Cet avis a pour vocation d’alerter les pouvoirs publics sur l’ampleur prise par ces risques qui exigent désormais d’être abordés de manière systémique.

14 préconisations sont formulées pour renforcer l’assurabilité.

Entretien avec les co-rapporteurs Fanny Arav et François-Xavier Brunet, conseillers du Conseil Économique, Social et Environnemental au sein de la Commission Économie et Finance.

 

Pourquoi avoir choisi d’aborder ce thème ?

[François-Xavier Brunet] Troisième Chambre constitutionnelle constituée de 175 membres représentant la société civile, le CESE a vocation à porter ses réflexions sur tous les grands sujets relevant du champ économique, social et environnemental. La montée des risques climatiques, cyber et de pandémie sont des vulnérabilités majeures pour notre modèle économique et social et face auxquels le système assurantiel peut être mis en difficulté. Quelques chiffres sont édifiants : les assureurs évaluent à 60% la hausse des dommages liés aux changements/dérèglements climatiques d’ici 2050, 90 % des entreprises ont été concernées par des attaques cyber en 2019 et 180 milliards d’euros est le montant des pertes d’exploitation cumulées dues à l’arrêt ou à la limitation des activités durant la crise sanitaire.

[Fanny Arav] Le CESE peut s’auto-saisir. Nous avons été interpellés par une multiplication de signaux faibles sur les impacts des inondations, d’attaques cyber d’importance, et quelques signes d’alertes du monde de l’assurance et avons pressenti que nous étions devant une échelle de risques différente. Nous avons donc pensé nécessaire de comprendre ces risques, d’appréhender leur dimension systémique, leur ampleur, leur récurrence qui sont des facteurs nouveaux à prendre en compte. Nous avons également voulu mieux mettre en évidence leurs interactions et les effets en cascade qu’ils produisent. Notre avis vise à interpeller tous les acteurs et en particulier l’État et l’ensemble de la puissance publique, sur ce nouveau contexte plus complexe et sur les impacts de plus en plus lourds de conséquences.

 

Comment avez-vous travaillé ?

[Fanny Arav] Nous avons conduit pendant plusieurs mois un travail documentaire et d’analyse, enrichi d’une soixantaine d’auditions et de tables rondes avec des profils les plus variés pour approfondir et saisir les enjeux de la problématique qui est dense. Ces travaux passionnants nous ont convaincus d’une chose : l’impérieuse nécessité de passer à un changement de paradigme, en particulier de la part de l’État, dans la prise de conscience et dans l’acculturation au risque. L’idée de créer une autorité interministérielle chargée de la prévention des risques majeurs pour un véritable risk management public est née de cette conviction.

 

La prévention fait-elle également partie des préconisations ?

[François-Xavier Brunet] Il est nécessaire de porter la prévention à un niveau plus global pour aussi améliorer l’assurabilité des risques. Investir dans les causes des bouleversements environnementaux pour en limiter l’impact, soutenir les entreprises en particulier les TPE et les PME dans leurs politiques de prévention, renforcer les plans de prévention des risques naturels majeurs prévisibles, orienter les investissements publics vers des projets à plus-value… le champ est large et va avec l’accompagnement assurantiel qui en découle.

 

Certains risques ont- ils été inattendus ?

[Fanny Arav] La question du retrait – gonflement des sols argileux et surtout l’ampleur du phénomène, sachant que 50 % du bâti en France y sont exposés, a été une réelle surprise pour tous les deux.

 

Concernant plus particulièrement l’assurance, quelles sont vos propositions ?

[François-Xavier Brunet] Nous proposons de favoriser un premier niveau de couverture assurantiel abordable pour tous, en particulier Outre-mer, et de créer une branche dédiée au cyber. Il est également important de préparer les preneurs de risques à une hausse des sinistres climatiques.

[Fanny Arav] Nous n’avons pas voulu avoir une approche sectorielle car notre vision est bien d’inviter les acteurs et notamment les pouvoirs publics à porter un regard global et transversal sur ces risques systémiques, et plutôt axé par nature des impacts de ces risques en termes d’exposition et surtout de perturbations. Néanmoins nous avons eu un regard plus spécifique sur le secteur agricole, et porté un intérêt à introduire une part d’assurance paramétrique pour compléter l’indemnisation des risques agricoles.

 

Propos recueillis par Anne-Lise Fontan

 

Fanny Arav est économiste, conseillère CESE/Groupe UNSA.

François-Xavier Brunet est conseiller CESE/Groupe Entreprises et président de la Chambre de Commerce et d’Industrie Tarbes Hautes-Pyrénées