De bouleversements en transformations, l’assurance face à ses enjeux
26 / 09 / 2022
L’assurance bouge, l’assurance se transforme et s’adapte aux évolutions sociales, technologiques et économiques. France Assureurs en est un observateur aiguisé. Son directeur général Franck Le Vallois a accordé un entretien à La Nouvelle Revue du Courtage et livre une analyse globale du secteur et de ses transformations.
Comment France Assureurs appréhende-t-elle les nombreuses transformations que connait l’écosystème de l’assurance ?
En prise avec la quasi-totalité des sujets de société, l’assurance n’a pas d’autre choix que de s’adapter aux mutations économiques, sociales et politiques. Les risques évoluent en lien avec ces mutations. L’assurance se transforme donc pour répondre de façon toujours plus pertinente aux besoins des particuliers et des entreprises. Parmi les nombreux travaux conduits par France Assureurs, la cartographie prospective des risques, renseigne sur les enjeux auxquels notre profession est confrontée. Cette cartographie recueille chaque année la vision des directeurs métiers et des directeurs des risques du secteur de l’assurance et de la réassurance au sujet des principaux risques à un horizon de 5 ans. C’est un exercice riche d’enseignements qui donne une photo précise des évolutions en cours.
Quels sont les faits saillants que vous en tirez ?
Quatre enjeux arrivent en tête des enjeux cités par les assureurs. Tout d’abord, la dégradation de l’environnement économique dont un des marqueurs est l’actuel taux d’inflation à un niveau inédit depuis 40 ans : +8,6 % dans la zone euro et +9,1 % aux États-Unis à la fin du mois de juin. Rappelons que le taux d’inflation était de 0,6 % en juin 2020 aux États-Unis. Associée à une remontée des taux d’intérêt, cette situation fait naître des interrogations quant à l’impact sur tout le secteur.
Le changement climatique constitue également un des principaux enjeux cités dans cette cartographie. Les assureurs sont en effet aux avant-postes de cette évolution : non seulement ils indemnisent et réparent les dommages causés par les aléas liés au climat, mais, en tant qu’investisseurs institutionnels, ils sont aussi des acteurs majeurs du financement de la transition énergétique. France Assureurs a réalisé des projections à un horizon de 30 ans et le constat est sans appel : sur les 30 prochaines années, le montant des sinistres climatiques pourrait quasiment doubler par rapport à celui observé sur les 30 dernières années. D’ailleurs l’estimation de 4 milliards d’euros de dommages liés aux épisodes successifs d’orages de grêle en mai et juin derniers fait, dès à présent, de 2022 l’année la plus coûteuse depuis le début des années 2000. Le réchauffement climatique et les aléas qui en résultent sont de nature à bouleverser notre société et conduisent par conséquent le secteur de l’assurance à se transformer.
Un autre enjeu apparaît de plus en plus crucial, c’est le foisonnement réglementaire. Prenons l’exemple de la RSE. Avec des dizaines de textes en préparation au niveau national comme au niveau européen, cela exige des changements profonds de fonctionnement et d’organisation pour les acteurs de notre secteur, changements qui ne peuvent pas toujours être mis en œuvre dans les délais imposés. Il arrive parfois que certaines réglementations, en s’ajoutant les unes aux autres, arrivent à générer des incohérences par effet de bord. La distribution est particulièrement concernée avec la Directive Distribution Assurance (DDA) et la révision en cours.
Enfin, l’exploitation de la donnée et le risque cyber sont les enjeux placés en tête du classement de notre cartographie. Un des points de forte vigilance porte sur la collecte des données. Prenons l’exemple du véhicule connecté : il est aujourd’hui possible de collecter de nombreuses informations, dans le respect total de la réglementation RGPD, qui permettent d’améliorer la maîtrise des risques. Les opportunités de traitement des données offertes par la technologie peuvent transformer le marché de l’assurance automobile grâce à une meilleure connaissance et une meilleure appréciation des risques mais aussi des usages. Cela suppose que tous les acteurs de l’écosystème des véhicules connectés soient traités sur un pied d’égalité en matière de collecte de données, du constructeur automobile aux professionnels de l’assurance.
Quelles sont les actions de France Assureurs sur ces sujets ?
La Fédération est vigilante et proactive de multiples manières. Nous faisons par exemple entendre la voix des assureurs à travers des prises de paroles ou encore des propositions que nous exprimons à nos interlocuteurs institutionnels, à Paris et à Bruxelles, notamment via les différents livres blancs que nous publions.
Pour ce qui concerne spécifiquement l’accès aux données, nous mobilisons les acteurs de l’écosystème des véhicules connectés au sein de « l’Alliance mobilité connectée pour tous », à laquelle participent experts, professionnels de l’automobile, assisteurs (1) …
Quelles transformations voyez-vous pour les relations avec le courtage ?
L’encadrement réglementaire, la DDA, le devoir de conseil, l’information préalable à la souscription sont autant de sujets qui conduisent à des transformations lourdes pour tous les acteurs, avec naturellement un impact sur la relation entre producteurs et distributeurs. La conformité est un sujet qui prend ainsi plus de poids. Globalement, chaque maillon de la chaîne de valeur doit gagner en agilité, en réactivité et en sécurité afin de s’adapter à un environnement de plus en plus complexe. À cela s’ajoute la transformation numérique de toute notre société : c’est un aspect essentiel de la nouvelle relation qui se met en place entre producteurs et distributeurs, avec des modèles de partenariats variés.
Quels sont ces modèles que vous évoquez ?
Ils varient en fonction de l’histoire et des caractéristiques propres à chaque acteur. Un courtier grossiste, un courtier de proximité, un grand courtier, un courtier délégataire de gestion… Toutes ces catégories d’acteurs représentent autant de modèles de partenariat avec les assureurs. Mais je souligne qu’il y a un point commun à tous : la confiance dans la relation pour garantir la pérennité du partenariat.
Quel est votre regard sur les nouveaux acteurs : neoassureurs, insurtech ?
Vu le nombre et la diversité des acteurs, le marché de l’assurance est très concurrentiel. L’innovation a toujours été présente dans notre profession. À travers l’arrivée de nouveaux acteurs, je vois une preuve de l’attractivité de l’assurance et de sa capacité d’innovation.
Les évolutions des attentes des assurés sont-elles aussi un facteur de changement ?
Les usages en assurances changent, notamment sous l’influence de l’expérience client vécue sur les plateformes de commerce électronique. Nous sommes entrés dans un nouveau rapport au temps : le temps a supplanté la distance. Il est devenu un point cardinal de la relation avec l’assuré, qui attendait une réponse à moins de 2 km, et qui maintenant l’attend en moins de 2 minutes. C’est notamment le cas sur le marché des particuliers et professionnels. Cela pousse à continuer les efforts de simplification des produits et d’amélioration de la performance des outils de souscription et de gestion.
Pour conclure, la crise sanitaire a-t-elle eu un impact ?
La crise sanitaire a été un accélérateur de tendances. Elle a mis en exergue la montée des risques cyber, car la généralisation du télétravail a augmenté les surfaces d’attaques potentielles. Sur un plan sociétal, la prévention des risques au service de la résilience a permis aux citoyens de prendre conscience du lien fort entre ces deux notions que sont la prévention et la résilience. Cette prise de conscience me parait être un point très positif pour l’avenir.
(1) L’Alliance mobilité connectée pour tous, réunit aux côtés de France Assureurs : l’Alliance Nationale des Experts en Automobile (ANEA), l’Automobile Club Association, le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA), Mobivia, le Syndicat des Entreprises des Services Automobiles en lld et des Mobilités (Sesamlld), l’Union Française de l’Électricité (UFE) et le Syndicat National des Sociétés d’Assistance (SNSA).